Pourquoi préférer la photographie traditionnelle à celle de l'intelligence artificielle, surtout à Tahiti?

IAartemploi

4 févr.

Nous vivons actuellement une véritable transformation. Tous les métiers sont aujourd’hui confronté de près ou de loin aux changements initiés par l’IA.

Vous vous en doutez, la photographie n'échappe bien évidemment pas à cette migration massive vers le non réel.

L’IA et la photographie, une transformation inéluctable

Nous assistons aujourd’hui à une véritable mutation dans tous les domaines, une transformation qui n’a échappé à personne. Tous les secteurs professionnels, qu'ils soient traditionnels ou contemporains, se retrouvent, d'une manière ou d'une autre, confrontés aux bouleversements initiés par l'intelligence artificielle (IA). Cette évolution technologique, fulgurante et inévitable, modifie profondément les règles du jeu, en redéfinissant non seulement les méthodes de travail, mais aussi la nature même des créations et des productions humaines.

Il est désormais incontestable que l’intelligence artificielle a pénétré tous les secteurs, et la photographie ne fait évidemment pas exception à cette révolution. Aujourd'hui, l'IA est capable de générer non seulement du texte, mais aussi des images, des photos et même des vidéos. Bien que la qualité des rendus soit encore perfectible et en constante évolution, les résultats actuels peuvent être à la fois impressionnants et, dans certains cas, dérangeants. Et cela ne représente, en réalité, que les premières étapes de cette transformation.

Je me souviens encore des premières vidéos créées par IA, comme celle où l'on voyait Will Smith manger des pâtes, un résultat loin d’être réaliste. Aujourd'hui, des comptes Instagram regorgent de figures totalement fictives, suivies par des centaines de milliers d'abonnés. Ces avatars virtuels sont devenus des célébrités numériques. Les progrès réalisés en matière de rendu visuel sont saisissants, et il devient chaque jour un peu plus ardu de distinguer une image générée par ordinateur d’une photographie réelle. Cette avancée pose un véritable dilemme. La photographie, qui a toujours été perçue comme un art basé sur l'émotion humaine, devient désormais accessible à tous, et ce, en quelques secondes seulement, grâce à un prompt bien formulé. Une telle démocratisation de la création pose la question de l’essence même de l’art. Si n’importe qui peut désormais créer l’image parfaite sans effort, qu'en est-il de la véritable nature de l’art ?

L’imperfection au service de l’authenticité

L’intelligence artificielle est incontestablement plus rapide, plus efficace et plus économique que l'humain. Toutefois, cette évolution ne doit pas être perçue comme une menace à combattre, car la machine s’avère, en effet, plus puissante. Toutefois, ce que l’IA ne pourra jamais saisir pleinement, c’est l'émotion qui anime un cliché, l'âme d'une photographie, son imperfection même, et sa capacité à capturer la réalité de manière brute et sincère. La photographie, telle que je la conçois, reste avant tout un acte d’émotion, une forme d’art qui repose sur l’humain et ses imperfections. Ces petits détails, ces nuances qui font qu’une photo devient un souvenir unique, un témoignage visuel chargé de sens et d’histoire. C’est cette authenticité que je m’efforce de préserver dans ma pratique.

Je ne prône nullement le rejet de l’intelligence artificielle. En tant qu’outil, elle peut être d’une grande aide dans de nombreux domaines, y compris en photographie. Je n'ai aucune objection à utiliser l’IA pour améliorer certains aspects techniques ou pour soutenir la création. Cependant, il est crucial de ne pas transformer la photographie en une image purement parfaite générée à partir d’un simple texte. L’IA, dans ce cadre, doit être un allié de la créativité humaine, non un substitut. Nous devons nous en servir comme un outil complémentaire, et non comme le moteur principal de la création. Il est donc impératif de continuer à cultiver l’authenticité et l’imperfection dans notre travail, tout en tirant parti de la technologie de manière judicieuse et raisonnée.

Tahiti et la Polynésie : Un Territoire où l’Authenticité est un Valeur Fondamentale

En Polynésie, plus que dans beaucoup d’autres régions, l’authenticité fait partie intégrante de l'identité culturelle locale. La culture est omniprésente, et cette authenticité est un sujet de fierté, aussi bien pour les habitants des îles que pour les visiteurs. En tant que photographe, je réalise régulièrement des portraits d'individus dont les visages, un jour immortalisés dans mes photos, ornent ensuite des magazines ou des affiches publicitaires. Ces moments capturés deviennent un symbole de fierté pour les personnes photographiées, qui se retrouvent mises en avant dans des campagnes locales, représentant leurs communautés et produits. C’est un témoignage visuel de leur appartenance, de leur culture et de leur histoire.

Pour les habitants, ces portraits sont bien plus qu’une simple image : ils incarnent une forme d’appartenance et de reconnaissance sociale. Lorsqu’ils sont utilisés pour promouvoir des produits locaux ou des événements, ils participent à un acte de valorisation collective, renforçant ainsi le lien de solidarité et de transparence qui existe au sein de la communauté. En Polynésie, voir une figure familière sur une affiche ou un site Internet est un signe de proximité et de respect. Cette transparence visuelle est essentielle dans un espace culturel où l'authenticité est primordiale. Malheureusement, certains acteurs économiques, séduits par l’efficacité des générateurs d'images basés sur l’IA, choisissent parfois de recourir à ces technologies pour créer des visages virtuels. Cette démarche est souvent mal perçue, tant par les habitants que par les consommateurs, car elle va à l’encontre de cette transparence et de cette authenticité que nous chérissons ici.

Kevin de Kare conseil à fait un article dernièrement pour montrer l’impact des réseaux sociaux au fenua. Il croit lui aussi à cette authenticité pour valoriser les savoirs faire et le commerce polynésien.

L’IA et la Protection de l’Emploi Local

L’intelligence artificielle, en dépit de ses avantages indéniables, risque de bouleverser de manière significative le tissu économique local, notamment en Polynésie. Si l’IA est promise à un rôle croissant dans de nombreux secteurs, son impact sera, dans un premier temps, relativement modéré dans nos territoires éloignés. Prenons l’exemple des pompes à essence en Polynésie : ici, les pompistes, qui réalisent cette tâche manuelle, incarnent un modèle d'emploi local. Leur travail, bien qu’apparemment simple, est une composante essentielle de l’économie de proximité.

Imaginons maintenant que l'IA vienne remplacer ces emplois indispensables à l’économie locale. La perte d'emplois dans des secteurs comme pétrolier, la vente, ou encore des métiers créatifs comme ceux de la photographie, pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la Polynésie, affectant des milliers de travailleurs. Au-delà de l’aspect économique, cela pourrait également miner l'essence même de ce que sont les petites communautés locales, où chaque emploi est souvent lié à une histoire, à une culture, à une interaction humaine précieuse. Dans mon secteur, l’introduction massive de l’IA pourrait entraîner la disparition de nombreux métiers, des agences de communication aux photographes, en passant par les coiffeurs, maquilleurs et stylistes. L’IA, mal régulée ou utilisée sans discernement, pourrait effacer cette diversité professionnelle et culturelle qui fait la richesse de la Polynésie.

Conclusion : Anticiper pour Préserver l'Authenticité

Bien que l'IA offre des possibilités fascinantes et promette des gains de productivité impressionnants, il est primordial que nous restions vigilants face aux dérives potentielles. Nous devons nous préparer à intégrer ces nouvelles technologies de manière intelligente et réfléchie, en veillant à préserver ce qui fait notre identité locale, notre authenticité et la diversité de nos métiers.

En somme, l'IA ne doit pas remplacer l’humain, mais plutôt enrichir ses capacités. C’est à nous, créateurs, citoyens et acteurs économiques, de naviguer avec discernement dans cette révolution technologique afin de préserver ce qui fait la beauté et la singularité de nos créations.